10.27.2009

Apprendre à lire enfin II
















I miss philosophy in general this year, and Derrida in particular.


Chaque livre est une pédagogie destinée à former son lecteur. Les productions de masse qui inondent la presse et l’édition ne forment pas les lecteurs, elles supposent de façon fantasmatique et primaire un lecteur déjà programmé. Si bien qu’elles finissent par formater ce destinataire médiocre qu’elles ont d’avance postulé. Or, par souci de fidélité, comme vous dites, au moment de laisser une trace, je ne peux que la rendre disponible pour quiconque : je ne peux même pas l’adresser singulièrement à quelqu’un. Chaque fois, si fidèle qu’on veuille être, on est en train de trahir la singularité de l’autre à qui l’on s’adresse. A fortiori quand on écrit des livres d’une grande généralité : on ne sait pas à qui on parle, on invente et crée des silhouettes, mais au fond cela ne nous appartient plus. Oraux ou écrits, tous ces gestes nous quittent, ils se mettent à agir indépendamment de nous. Comme des machines, au mieux comme des marionnettes (je m’en explique dans Papier Machine). Au moment où je laisse (publier) « mon » livre (personne ne m’y oblige), je deviens, apparaissant-disparaissant, comme ce spectre inéducable qui n’aura jamais appris à vivre. La trace que je laisse me signifie à la fois ma mort, à venir ou déjà advenue, et l’espérance qu’elle me survive. Ce n’est pas une ambition d’immortalité, c’est structurel. Je laisse là un bout de papier, je pars, je meurs : impossible de sortir de cette structure, elle est la forme constante de ma vie.
Jacques Derrida, "Apprendre à vivre enfin" (Galilée, 2005)

Cited on remue.net

Beyond the initial commonplace of an "educable" reader, reading becomes invested with the power to bring back the dead. Once thus present before the resuscitated work (and, Derrida leads us to imagine, the ghost of the writer), the reader is able in turn to be "formed," shaped and taught, by the spectral presence that has been conjured.

A reminder that we are dealing with live things. Live, or "mort-vivant," back from the grave. And wanting your brain.

Okay, enough with the zombie references. It's too close to Halloween!

No comments:

Post a Comment